Aujourd'hui, mercredi 3 juin 2009, de grands bouleversements s'annoncent dans ma vie de "couple" avec Inmaculada.
Comme je l'avais expliqué dans l'article Qui est Inmaculada ? ma relation avec cette femme de la soixantaine d'année était des moins banales. Moins je la considérais, meilleure était notre relation. Je l'ai tout d'abords senti heureuse de ranger ma chambre, laver mon linge, le repasser, me faire à manger, laver ma vaisselle, me torcher le.... L'idée était "moins t'en fais, meilleur c'est". Je n'avais pas le droit de cuisiner dans la cuisine car elle aimait que ça reste propre. "Ni si quiera mi hijas entran en mi cocina". Ses propres filles n'entraient même pas dans sa cuisine.
Mon loyer (logement + nourriture) qui était fixé à 1800 bolivars à mon arrivée, était passé à 2000 bolivars puis à 3000 bolivars selon un accord établi entre nous deux. C'était 3000 Bsf ou alors je payais 1400 bolivars de loyer et avais le droit (et surtout l'obligation) de prendre mon petit déjeuner, mon déjeuner et mon repas du soir dans la rue. Dans la rue ne signifie pas sur un trottoir mais dans un restaurant. Bref l'adition aurait été salée à la fin du mois. De plus, manger Mc Donald, Pizza Hut, Burger King toute l'année, non merci.
J'ai donc commencé à chercher à faire une collocation avec Lucie Junet (Lucie merci de m'appeler sur mon Yo phone, si tu veux que je supprime ton nom). Lucie, française de souche, est née dans un petit village non peu connu : Saint Émilion. Bien sur Lucie aime le vin. Son papa est producteur et vend ses bouteilles sous l'appellation "Clos Junet". Je n'ai pas encore eu le privilège de goûter au vin de cette jeune fille mais j'ai confiance et garde espoir.
Pour ne pas perdre le fil conducteur de mon histoire rocambolesque, je vous propose d'oublier l'anecdote du vin et de nous concentrer sur la recherche d'un nouvel appartement.
Lucie et moi avons donc commencé à chercher dans les petites annonces locales. Il fallait trouver un appartement meublé, avec deux chambres (deux lits c'est mieux, elle a du poil aux jambes...), une cuisine et surtout une zone acceptablement dangereuse. Notre budget était de 2000 à 3000 bolivars par mois (700 à 1000€ au taux de change officiel). La plupart des appartements étant à 5000 bolivars (env. 1700€ par mois, au taux officiel), nous avons du revoir nos ambitions.
Je me suis alors adressé à une collègue de bureau qui disposait d'une maison dans une zone populaire. N'étant pas convaincu par l'endroit j'ai bientôt trouvé une chambre (tant pis pour la collocation). Cette chambre était un ancien cabinet de consultation qui comportait : un lit/table d'opération, tablette de consultation, lavabo, évier et une lampe de plafond comme celle que vous trouvez chez votre dentiste. Original, n'est ce pas ? La proprio me garantissait qu'elle me trouverait un mini four et une télévision car je lui semblais être un gentil homme.
Au premier coup d'oeil j'ai été charmé par l'évier en inox. Je n'aurai plus eu besoin d'acheter de champignons pour mes omelettes. Je remerciais alors la générosité de mère nature. Je pense aussi que les seules personnes qui sont décédées en ces lieux sont mortes d'une infection et non pas de la maladie qui justifiait leur visite. Le ménage allait donc être digne d'un des dix travaux d'Hercule. D'ores et déjà, j'étais prêt à retrousser mes manches. L'entrée du bâtiment était spacieuse. Elle donnait sur un couloir obscur au fond duquel on percevait une porte entrouverte qui menait sur une arrière cour. En suivant le couloir je notais de part et d'autre, la présence de sièges ; "l'ancienne salle d'attente" me dit la dame qui me donnait la visite. Elle m'expliqua que de nombreuses personnes venaient toujours frapper à la porte pour se faire soigner. Au plafond les vieux ventilateurs effectuaient depuis 40 ans leur labeur et nous apportaient un brin de fraîcheur.
Dans la cuisine je pouvais emprunter les casseroles et tout ce qui était présent dans le vieux buffet dont les pieds avaient été remplacés par des calles en bois. Le sol ne disposait pas de revêtement mais la terre battue faisait son effet. Carmen, qui me faisait la visite, m'assurait qu'ils n'avaient pas encore eu le temps de faire tous les travaux mais que la maison allait bientôt être très jolie. Nous avons ensuite accédé aux toilettes. Une salle de trois mètres par trois mètre qui permettait aux personnes en fauteuil roulant de se mouvoir commodément. La douche était spacieuse car elle ne disposait pas de cabine ni de rideaux pour la délimiter.
Je posais de nombreuses questions à Carmen et me sentais confiant. Elle semblait être une bonne personne et faisait des efforts pour rendre mon déménagement aussi agréable que possible. J'avais enfin trouvé une nouvelle maison où j'allais pouvoir, si l'envie m'en prenait, faire la cuisine en me mettant les doigts dans le nez, chanter sous la douche, siffler en regardant la télévision, me toucher les pieds, jouer avec ma nourriture dans mon assiette, chantonner, encore siffler, ne pas faire mon lit et aller au boulot avec une chemise non repassée ; le rêve ! J'allais enfin pouvoir laver mon linge, ranger ma chambre, laver ma vaisselle, faire le ménage, les courses, mettre la crème solaire que j'ai envie de mettre, boire de la bière sans entendre "t'as encore bu?" ! Bref j'allais pouvoir redevenir le jeune homme que j'étais et ne plus supporter mon rôle de petit garçon de 10 ans. Dans la rue j'avais déjà repéré quelques voisines et j'étais convaincu que les lieux allaient me plaire !
Je suis donc rentré chez Inmaculada en réfléchissant à la manière dont j'allais lui annoncer la nouvelle. J'étais un peu gêné de devoir lui annoncer que malgré toute l'attention qu'elle me portait, je ne me sentais pas comme un poisson dans l'eau et que depuis deux semaines je cherchais un autre logement sans lui en avoir fait part. J'étais convaincu que j'agissais bien car je ne pensais pas la quitter avant deux semaines. Ainsi nous aurions eu le temps de salir (pour moi) et de ranger (pour elle) ensemble.
La réaction fut un peu plus violente que ce à quoi je m'étais préparé...
[à suivre...]